Un chercheur en lévitation !

Intéresser un large public à des questions de physique fondamentale… tel est le pari un peu fou lancé par Julien Bobroff, enseignant-chercheur au Laboratoire de Physique des Solides (LPS) de l’université. Au vu des résultats, on peut l’assurer, le pari a été largement gagné !

Projet SUPRADESIGN©SupraDesign ENSCI

Dimanche 3 juin 2012, la météo n’est pas clémente, il pleut des cordes sur Paris. Ce sont pourtant plusieurs milliers de personnes qui vont s’extirper de leur couette douillette et ce n’est pas pour aller voir le dernier blockbuster  américain au cinéma. La foule qui se presse en masse au musée des arts et métiers ce dimanche-là, vient pour découvrir l’univers  étrange et déroutant de la physique quantique ! Qui a dit que le grand public boudait la science ? En tous cas pas Julien Bobroff, l’un des instigateurs de cette manifestation originale et réussie. Spécialiste de la supraconductivité, il a été chargé par l’Institut de Physique du CNRS, d’organiser l’Année de la supraconductivité en 2011. « Il s’agissait de profiter du centenaire de la découverte de la supraconductivité pour montrer au grand public l’importance de ce phénomène qui reste un domaine actif de recherches profondes en physique fondamentale et la richesse de ses applications technologiques en programmant toute une série de manifestations tout au long de l’année en France». Le succès rencontré a valu à Julien Bobroff d’être lauréat du prix Jean Perrin de la Société Française de Physique, qui récompense chaque année une contribution essentielle à la popularisation de la physique.

Projet SUPRADESIGN©J.Bobroff

Passeur de science
Enseignant-chercheur au Laboratoire de Physique des Solides (PSUD/CNRS), Julien Bobroff est un physicien de la matière condensée. Ses recherches portent sur la supraconductivité et plus généralement sur les nouveaux états quantiques qui apparaissent dans certains matériaux, souvent à basse température. Il est question de pnictures, de cuprates, d’échelles de spin, de physique quantique… bref rien de très grand public a priori. Et pourtant ! Le virus pour la vulgarisation, Julien l’a attrapé en 2005, déclarée année mondiale de la physique, à l’occasion du centenaire de la publication des travaux d’Einstein. La communauté des chercheurs est alors sollicitée pour participer à diverses manifestations organisées un peu partout en France à l’étranger. Pour le jeune physicien, cela va prendre la forme d’interventions dans les lycées de la région. « J’ai construit un exposé sur ma thématique de recherche, la supraconductivité, en intégrant quelques petites manips simples à réaliser en direct. ». Le succès est au rendez-vous, les élèves se montrent curieux et enthousiastes. Julien Bobroff réussit alors à convaincre quelques collègues de le rejoindre dans cette aventure. Cette petite équipe reçoit le soutien de l’université qui se traduit par quelques heures de décharges, le financement de missions doctorales… Supraconductivité, sable, mousses, lumière… chacun témoigne de ses propres activités de recherche, mariant des expériences en direct avec des explications sur la physique en jeu.
Et last but not least, les chercheurs parlent de leur métier. Le dispositif est désormais parfaitement rôdé et ce sont maintenant plus d’une soixantaine d’exposés réalisés par an qui permettent de toucher près de 7 000 élèves dans toute l’Île-de-France. En 2011, lorsque l’Institut de physique du CNRS recherche un chargé de mission pour animer l’année de la supraconductivité, c’est assez naturellement, qu’il se tourne vers Julien Bobroff.

Julien Bobroff et son acolyte Frédéric Bouquet devant une classe de lycéens ©M.LECOMPT/PSUD

2011 : quelle année supra !
Fort de son expérience, Julien décide d’impliquer le plus largement possible ses collègues. « J’ai réussi à mobiliser ma communauté scientifique. Près d’une centaine de spécialistes du domaine ont accepté de participer d’une façon ou d’une autre à cette année de festivités ». En amont, le jeune chercheur a passé plus de six mois à concevoir une série de ressources diverses et variées qui vont être mises à la disposition de tous. Site web pédagogique, blog collaboratif, exposition dupliquable, manipulations reproductibles, films, animations graphiques, fond iconographique,… autant d’éléments qui ont permis aux chercheurs sur le terrain de développer des actions avec plus de facilité en utilisant ces supports, ou en les complétant avec des contenus locaux. Bars des sciences, conférences, animations de stands… il y en aura pour tous les goûts et tous les âges. Julien Bobroff et ses collègues ont réussi un coup de maître : la supraconductivité a fait l’objet d’une couverture médiatique étonnante.

Rencontre « chercheurs et vulgarisation » (Orsay, 31 mai 2012) ©J.Bobroff

Partout, pour tous
Quelles leçons tirer de cette fabuleuse expérience ? « Un des premiers messages que j’aimerais faire passer à mes collègues, c’est l’importance de faire les choses en groupe. Outre le plaisir de travailler
ensemble et le fait de se partager le travail, c’est primordial pour que cet
investissement en temps soit reconnu par la communauté ». L’autre grand enseignement qu’en a retenu Julien Bobroff, c’est qu’il fallait tordre le cou à certaines idées préconçues concernant le rapport du public à la science « l’expérience m’a montré que la physique fondamentale peut intéresser un public varié, jeune et moins jeune, du moment qu’on y met de la passion et qu’on arrive à construire des contenus adaptés». Sur l’impact de ces manifestations, Julien a revu ses ambitions « Mon but initial était juste de faire du prosélytisme et d’attirer des jeunes vers les carrières scientifiques. Mon ambition est désormais aussi de changer l’image qu’ont les chercheurs et la recherche dans le grand public et chez les jeunes ». Plein d’enthousiasme, le jeune chercheur ne compte pas en rester là. Il participe ainsi activement aux efforts entrepris par les différents établissements du plateau de Saclay pour fédérer et structurer toutes les actions de médiations scientifiques, à travers notamment les deux projets structurants que sont la MISS et La Diagonale Paris-Saclay. Alors un conseil, surveillez le programme*!

Contact : Julien Bobroff, Laboratoire de Physique des Solides (PSUD/CNRS) julien.bobroff@u-psud.fr* www.vulgarisation.fr