La responsabilité du producteur de spécialités pharmaceutiques

Le médicament n’est pas un produit comme les autres et les attentes du public dans ce domaine ont considérablement évolué, ces trente dernières années. On demande en effet au médicament d’être de plus en plus performant mais on exige en parallèle une sécurité accrue.

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Ceci s’est traduit par une évolution de la responsabilité juridique du producteur. Autrefois fondée sur la notion de faute, elle repose aujourd’hui sur le caractère défectueux du produit.

La responsabilité civile du producteur de spécialités pharmaceutiques a longtemps été reliée à la notion de faute. Le fabriquant devait réparer le dommage subi par un patient suite à l’absorption d’un médicament seulement s’il avait commis une faute. Et l’on distinguait classiquement la faute dans la conception ou la fabrication du médicament de celle résultant d’un défaut d’information.

A partir des années 80, les fondements juridiques de cette responsabilité ont commencé à évoluer. Il est à noter que cette évolution a été  concomitante d’une approche nouvelle du médicament par les patients/consommateurs. D’un côté, le consommateur moyennement averti s’est mis à attendre davantage du médicament. Il lui a demandé non seulement de le guérir quand il était malade, mais aussi de l’aider à être plus jeune, plus performant, plus beau… D’un autre côté, l’exigence de sécurité du patient/consommateur s’est accrue. La publicité pharmaceutique a contribué à désacraliser le médicament à ses yeux, le faisant passer pour un produit d’usage courant. La conséquence de cela c’est que la prise de conscience que tout médicament efficace est aussi un toxique a eu tendance à s’estomper chez nos contemporains. Il est donc devenu inacceptable à leurs yeux que le médicament ne soit pas totalement sûr. C’est ce qu’on peut appeler le rejet du «fatum» des Anciens. Les juridictions ne pouvaient faire autrement que de prendre en compte cette attente de consommateurs de plus en plus exigeants en matière de sécurité. Pour faciliter l’indemnisation des victimes d’accidents médicamenteux, le juge a donc utilisé des techniques de contournement de la faute : recours à la garantie des vices cachés du contrat de vente, consécration jurisprudentielle d’une obligation de sécurité-résultat… Cette évolution jurisprudentielle a connu sa consécration législative avec l’adoption, en 1998, d’une loi sur la responsabilité du fait des produits défectueux. Ce texte, issu d’une directive communautaire, a mis en place un nouveau régime de responsabilité civile autonome. Il s’agit d’une responsabilité dite objective, c’est-à-dire qui ne repose plus sur la notion de faute mais sur celle de défaut du produit. Le produit sera considéré comme défectueux lorsqu’il n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre. La victime d’un dommage n’a donc plus à apporter la preuve d’une faute commise par le producteur. Il lui suffit de  démontrer l’existence d’un dommage, le défaut du produit et le lien de causalité entre les deux. Sur ce nouveau fondement ont été rendues plusieurs décisions de justice qui ont aggravé la responsabilité des producteurs de spécialités pharmaceutiques. Les juges ne cherchaient plus un responsable, mais un « indemnisateur ». Fort heureusement, la Cour de Cassation est venue nuancer cette approche. Un équilibre est sans doute en train de naître entre deux exigences qu’il est nécessaire de concilier : la protection du consommateur et la sécurité juridique du producteur.

CONTACT :
Eric FOUASSIER
Droit et Economie Pharmaceutique, eric.fouassier@u-psud.fr