Du médicament au traitement

La décision d’évaluer un “médicament” chez l’homme repose d’abord sur la caractérisation des mécanismes des maladies, avec l’identification des “cibles thérapeutiques” idéales, c’est-à-dire celles qu’on pense être cruciales dans le développement de la maladie et accessibles à une modulation, pour un “risque thérapeutique” acceptable.

 

Coupe histologique de cancer du poumon humain © INSERM/ Latron Patrice

Les médicaments ainsi sélectionnés font l’objet d’études chez l’homme d’ampleur croissante, avant de recevoir leur “Autorisation de Mise sur le Marché” (AMM) si le rapport bénéfice/risque se révèle intéressant. L’évaluation des médicaments se prolonge au-delà de cette AMM, car des effets indésirables ne sont parfois décelés qu’après plusieurs années de prescription à large échelle, et parce que l’évolution des connaissances peut conduire à élargir les indications du médicament au-delà de celles pour lesquelles il a initialement été validé. Il existe donc un dialogue ininterrompu entre recherche fondamentale, recherche clinique et épidémiologie tout au long de la vie du médicament. Un exemple concernant le cancer et la médecine personnalisée.

 

Spécificités du développement du médicament en oncologie

Le progrès des connaissances en oncologie ces vingt dernières années conduisent aujourd’hui à établir de nouvelles classifications nosologiques en fonction des anomalies moléculaires. Nous évoluons de l’ère du diagnostic histologique du cancer à l’ère du diagnostic moléculaire qui débouche sur de nouveaux facteurs prédictifs moléculaires et de nouveaux traitements spécifiques des voies de signalisation pathologiques. Le développement du médicament en oncologie va de plus en plus prendre en compte l’hétérogénéité des patients et des tumeurs pour cibler les thérapeutiques en fonction des anomalies moléculaires. Les progrès spectaculaires de l’analyse moléculaire à haut débit, laissent envisager que dans un avenir proche, la prise en charge des cancers sera déterminée par l’analyse de la tumeur. Cette analyse apportera non seulement une information diagnostique, mais permettra également de définir le  pronostique, la chimio- et/ou l’hormono-sensibilité du cancer et des cibles thérapeutiques moléculaires.

Les connaissances fondamentales en biologie moléculaire ont modifié notre vision du cancer. De plus, de nombreux travaux ont essayé de transférer ces connaissances du laboratoire de recherche au « lit du malade ». Ces études ont permis de mieux caractériser d’un point de vue moléculaire les différents types de cancers, et de commencer à raisonner non plus en « maladie d’organe » (cancer du sein, cancer du poumon, cancer du colon, … ), mais de classer les cancers en fonction de certaines anomalies moléculaires qui sont impliquées dans le processus cancéreux (cancer du sein HER-2 positive, mutation de EGFR de certains cancer du poumon, mutation K-RAS des cancers du colon). Mais ces connaissances ne permettent pas seulement de proposer une nouvelle classification nosologique du cancer, elles permettent d’entrevoir de nouvelles perspectives thérapeutiques. L’oncologie médicale est une discipline transversale à la croisée de la biologie et de la médecine.

Jamais les perspectives thérapeutiques en cancérologie n’ont été aussi prometteuses qu’en ce début du XXIe siècle. Au total, le développement du médicament en oncologie, en dépit de coûts de plus en plus élevés, est  soutenu par les progrès de la connaissance des cancers et le souhait des patients de participer à des essais. La recherche pharmaceutique en oncologique va très probablement s’orienter vers un traitement personnalisé en fonction des spécificités moléculaires des patients et de leur cancer.

CONTACT :
Jean-Charles SORIA
Institut Gustave Roussy, (PSUD, INSERM, CNRS) , jean-charles.soria@u-psud.fr