Cuisine moléculaire : des colloïdes dans votre assiette!

En 1907, le chef-cuisinier Auguste Escoffier énonçait que la cuisine devra être scientifique, ne laissant plus de place à l’erreur. Cette philosophie est le fondement de la cuisine moléculaire, tendance vulgarisée par le chercheur physico-chimiste Hervé This et le chef doublement étoilé Thierry Marx.

Thierry Marx et Raphaël Haumont - ©DR

La cuisine moléculaire repose sur une méthode scientifique et sur des connaissances chimiques pour, dans un premier temps, maîtriser les recettes. Il faut comprendre les réactions mises en jeu lors d’une préparation. Ainsi, pour cuire un œuf dur il n’est pas recommandé de le chauffer dans de l’eau bouillante pendant dix minutes, mieux vaut le cuire à 70 °C. Car à 100 °C toute l’eau contenue dans l’œuf s’évapore entraînant la fissuration de la coquille, un blanc caoutchouteux et un jaune pâteux. Les données physico-chimiques nous informent que la coagulation des protéines présentes dans l’œuf se fait à 65 °C environ. En chauffant à 70 °C, on obtient ainsi un aliment plus savoureux. Cette démarche est applicable à toute autre préparation. La seconde étape est alors d’innover en cuisine.

On appelle colloïde une matière dispersée dans une autre. Ils sont omniprésents, y compris dans nos assiettes. En observant l’état des deux matières, il est possible d’aborder scientifiquement les préparations gastronomiques que l’on cuisine régulièrement et de créer de nouvelles textures. Ainsi, une émulsion est un liquide dispersé dans un liquide, et une mousse est un gaz dans un liquide. Un exemple de recette : la chantilly de chocolat. Il faut battre de l’eau et du chocolat pour y incorporer assez d’air ; la lécithine, tensio-actif naturellement présent dans le chocolat, va figer les bulles d’air. Elle diffère de la mousse au chocolat car sans œuf.

Un gel est un liquide dispersé dans un solide : grâce à des gélatines, comme l’agar-agar (extrait d’algues rouges) ou l’alginate, il est possible d’encapsuler des liquides dans des coques ou de former des billes, souvent utilisées pour « revisiter » des cocktails tel le gin tonic. Des cannettes entièrement comestibles peuvent même être imaginées. En diététique on pourrait s’aider d’aérosols pour obtenir une sensation de satiété en humant ou tapissant notre bouche de particules d’un aliment.

On ne connait à ce jour que vingt-trois combinaisons de colloïdes mais cette tendance culinaire laisse envisager de nouvelles découvertes.

CONTACT :
Raphaël HAUMONT
ICMMO – Institut de Chimie Moléculaire et des Matériaux d’Orsay (PSUD, CNRS), raphael.haumont@u-psud.fr